La plage

Comme à son habitude, Deianeira parcourait la plage en recherche de réponses, ou plus particulièrement à la recherche de Age. Peine perdue lorsqu'on savait que le garçon était déjà mort à l'heure qu'il était... Les yeux baissaient, la jeune princesse regardait le sable d'un air désespéré. Pourquoi n'arrivait-elle pas ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à l'oublier ? Cela faisait déjà deux années que sa mort lui avait été annoncée. Comment faisaient les autres ? Eux qui arrivaient au bout de quelques semaines à reprendre leur vie normale, puis peu à peu, à sourire comme si rien ne s'était produit. Attention ! Deianeira ne critiquait en aucun cas. Elle voulait juste savoir pour l'appliquer à elle. Elle voulait elle aussi appliquer cette pommade invisible qui permettrait à son cœur de ne plus souffrir, de ne plus hurler sa peine dans un corps à moitié sans vie, qui ne demandait plus qu'une chose : la mort. Car il n'y avait pas que son âme qui pleurait la disparition du garçon, mais aussi son corps qui était lasse de ne plus recevoir aucune tendresse de sa part. Regardant en face d'elle, Deianeira s'aperçut qu'elle était déjà à la moitié du chemin la ramenant chez elle, et préféra s'arrêter. Son père devait surement être là, en train de parler mariage avec sa mère qui était loin d'être en désaccord avec lui. Que pouvait-elle penser d'autre ? Après tout, elle voyait tous les jours sa fille mourir à petit feu. Et cela n'était pas qu'un mot. Un refus de manger, de rire, de sourire, de se distraire, et cela ne s'améliorait pas. Sa douleur, sans le vouloir, elle la faisait partager aux autres. Cela lui était insupportable, mais que pouvait-elle faire d'autre ? Cacher sa peine ? Elle le faisait déjà ! Elle faisait déjà de son mieux. Regardant l'horizon, son esprit était déjà ailleurs en train de ressasser encore et encore ce passé où elle était heureuse. Ce côté passéiste, voila deux années qu'elle l'avait; ne voulant plus vivre au présent, elle passait ses journées enfermées à rêver encore et encore à ce passé dans lequel elle aimait se retrouver. Cependant, tout ceci serait bientôt terminé. Ce soir, elle allait vivre au palais, chez son père, devenu, il y a peu, président de l'alliance...

"Age..."

La plage étant vide, Deianeira n'avait pas peur de révéler ses sentiments, même les plus intimes; chose hélas qu'elle ne lui avait jamais avoué. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle cru avoir tout le temps pour le lui dire ? Croire en de telle chose relevé de la naïveté...

"Age, voilà à présent deux années que nous sommes séparés. Les seuls images que j'ai de toi sont dans mes rêves, rêves qui tout comme moi, refusent de t'oublier. Je vais partir... Mon père a décidé qu'il était temps à présent que je m'intéresse à autre chose pour espérer être heureuse. J'aimerai tellement le croire mais... Oh Age, tu me manques tant... Pouvoir te parler à nouveau serait pour moi... Je suis désolée... j'aurai du t'arrêter, partir avec toi, et fuir à tes côtés tous ce qui nous oppressait... Mais je n'ai rien fait... J'ai cru à notre destinée qui m'assurait que nous finirions nos jours ensembles..." S'écroulant au sol, Deianeira essayait de récupérer une respiration qui se faisait de plus en plus faible. Son cœur lui faisait mal, et ses larmes, devenues très abondantes ne lui permettaient pas de se calmer. "Je t'aime ! Tu n'es plus là et pourtant, je ne cesse de t'aimer... Tu te plaignais de ta taille, de cet air enfantin que ton visage te donnait, et pourtant, c'est ce que j'aimais le plus en toi ! Reviens, je t'en supplie... Ou laisse moi te rejoindre..."

[HJ : Comme tu es seule je me permet de poster, si ça ne va pas tu peux supprimer mon poste. ]

Ayant intégré le Serpent Tail quelques temps plus tôt, Aya s'était accordée une pause sur Terre avant de repartir dans l'espace. Leur chef n'avait pas encore donné d'indication et lui avait permit d'aller où bon lui semblait. La seule chose qu'il demandait c'était qu'elle reste discrète au sujet de leur organisation. Bien entendu, Aya avait accepté, elle était une fidèle partisane du Serpent Tail et n'avait pas la moindre envie de chambouler leurs plans. Après tout, ils l'avaient recueillis et elle leur devait bien cela. N'ayant rien à faire de ses journées, elle voulait profiter encore du paysage calme et cette belle planète avant de s'envoler dans l'espace et se préparer pour de nouveaux combats. La paix n'allait pas durer bien longtemps, et il fallait qu'elle soit prête quand cet instant arriverait. En marchant sur la plage, pourtant déserte à ce moment, Aya vit une jeune demoiselle blonde s'écrouler sur le sable et parler à une personne absente.

*Encore une petite idiote...*

Ne comprenant pas ce que pouvait ressentir cette inconnue, Aya s'était contentée de l'observer en silence. Elle avait entendu ses paroles mais ne fut pas spécialement touchée par la détresse de celle-ci. Pour Aya, ce n'était qu'une cruche qui s'était faite larguée par son petit ami, comme elle l'avait souvent vu quand elle était encore aux États Unis. Ne pouvant rester là à ne rien dire, elle finit par prendre le parole dès qu'elle eut cette occasion.

"Ce n'est peut être pas mes affaires, mais je ne pense pas que ton copain puisse t'entendre... D'ailleurs, si cela fait deux ans que tu ne l'a pas vu alors je te conseillerais de jeter l'éponge. Il a certainement trouvé quelqu'un d'autre et t'a laissée tombée..."

De bien cruelles paroles pour une demoiselle aussi désespérée. Mais que pouvait-on attendre de quelqu'un comme Aya ? Elle n'était pas du genre à aller au devant des personnes démunies pour les consoler. Pour elle, cette inconnue se faisait du mal pour rien et se ridiculisait à se montrer en spectacle comme ça. Se tenant debout à quelque mètres de cette pauvre victime, Aya la regardait d'un air glacial, sans la moindre compassion.

[Un si beau moment gâché par de si vilaines paroles T.T Tu vas voir quand je ferais Shinn, je te défoncerai au combat! è.é]

Ses plaintes n'avaient eu, comme elle s'y attendait, aucun effet sur la situation. Age n'était pas revenu d'entre les morts pour la prendre avec elle, ou ne se trouvait non plus auprès d'elle... Cependant, son cœur se sentait déjà un peu mieux. Hurler sa peine, sa détresse, depuis combien de temps ne l'avait-elle pas fait ? Jamais. Jamais elle n'avait osé le faire, de peur peut être de passer pour une folle, ou bien une cruche. Qu'importe, elle se sentait à présent un peu mieux, et peut être pourrait-elle sourire à son père quant elle rentrerait ce soir, faire ses bagages. Cependant, et comme tous les contes qu'elle s'était amusée à lire avec Age, les choses ne se terminaient sans un peu de cruauté venant d'une personne extérieure. Et cette personne se trouvait justement à quelques mètres d'elle.

"Ce n'est peut être pas mes affaires, mais je ne pense pas que ton copain puisse t'entendre... D'ailleurs, si cela fait deux ans que tu ne l'a pas vu alors je te conseillerais de jeter l'éponge. Il a certainement trouvé quelqu'un d'autre et t'a laissée tombée..."

Deianeira sursauta; elle qui s'était cru toujours seule, voila qu'une personne l'avait écoutée... Se relevant avec douceur, la jeune princesse sécha ses larmes avant de faire face à la demoiselle. Celle-ci la regardait avec un air glacial, peut être même proche du méprit. Pourquoi ce genre de paroles ? Pourquoi l'attaquer sur un sujet qui la tenait tellement à cœur ? Non. C'était elle qui était en faute. Des gens mourraient tous les jours des fléaux de la vie, et elle, pauvre enfant pleurait parce qu'elle n'était pas heureuse... Elle devrait avoir honte de son attitude... Qui sait ce que la jeune femme en face d'elle avait vécu ? Peut être la mort de sa famille, la mort de ses amis, ou même la guerre... Il n'était pas étonnant que la jeune femme soit un peu en colère contre elle...

"Vous avez raison... Je ne devrai pas me plaindre de mon sort ni même vous montrer une telle scène alors que vous étiez surement venu vous ressourcer dans ce magnifique endroit. J'espère que vous accepterez mes plus sincères excuses et que vous continuerez votre balade sans plus y penser." Dit-elle chaleureusement.

On pouvait tout reprocher à la jeune femme; son manque de détermination à vivre par exemple. Mais pas sa bonté et sa gentillesse. Alors que des personnes auraient très bien pu lui rentrer dedans tout en l'insultant, Deianeira avait su faire la part des choses et assumer ses propres erreurs. De plus, que savait-elle de la jeune femme se trouvant en face d'elle ? Peut être qu'il lui était à présent impossible de ressentir un minimum de compassion, et cela, elle en était sûre, la guerre y était surement pour quelque chose. La guerre y était toujours pour quelque chose. Les deux guerres précédentes avaient été mondiales. Les pays les plus pauvres avaient été les plus touchés par l'esclavage tandis que les pays les plus riches avaient été, pour certain, rasés de la surface de la terre par Logos ainsi que par l'alliance...

[Hj : J'attend de voir ça. ]

La jeune demoiselle, même si elle avait encore le visage humide, eut une réaction tout à fait inattendue pour Aya. En effet, elle ne s'était pas mise en colère et n'avait pas fondu en larmes face au commentaire qu'elle lui avait fait. Ce fut avec justesse qu'elle accepta la critique et répondit à l'agression. Cette demoiselle n'était peut être pas si cruche qu'elle le paraissait ? Au moins, cela prouvait qu'elle avait de la répartie et savait très bien s'exprimer. Son éducation devait y jouer beaucoup. Voilà quels étaient les constats d'Aya en ayant observé cette mystérieuse inconnue tandis que celle-ci lui présentait des excuses. Comprenant qu'il n'était pas nécessaire de la brusquer et qu'elle ne demandait qu'à ce que l'on passe l'éponge sur ce qui venait de se passer, Aya décida d'accepter par bonté d'âme.

"Difficile d'oublier une pareille scène... Mais j'accepte vos excuses. Ce n'est pas la peine que je vous mettre encore plus dans l'embarras."

Aya avait compris que son interlocutrice était venue ici dans l'espoir d'être au calme. Elle qualifiait d'ailleurs la plage comme un "magnifique endroit pour se ressourcer". Aya avait effectivement pensé être tranquille quand elle s'était aventurée sur cette plage de sable fin, mais il faut croire qu'elle n'était pas la seule à avoir besoin d'un peu de calme. Plutôt que de reprendre sa route, elle préféra continuer cette discussion pour en savoir un peu plus sur son interlocutrice.

"Vous avez raison, j'étais bel et bien venue ici pour profiter de la beauté de ce paysage. Il est plaisant de voir qu'il reste de belles choses sur cette Terre malgré les deux guerres auxquelles nous avons du faire face..."

D'autant plus que, lorsque Serpent Tail aurait reprit les armes, il était fort possible que de nouveaux combats viennent dégrader cette belle nature...

Fort heureusement, l'inconnu avait accepté ses excuses. Qu'aurait-elle fait si elle les avait refusé ? Son père lui en aurait voulu de s'être donnée en spectacle de la sorte tandis qu'elle même s'en serait voulu d'avoir gâché la journée de la jeune femme. Cependant, et il fallait l'avouer, elle avait été étonnée de cette générosité; elle qui pensait qu'elle allait se faire insulter de nouveau. Car elle l'avait insultée, et elle l'avait touchée. Mais que pouvait-elle dire ou faire ? Cette femme avait du vivre des évènements tragiques qui lui avaient fait perdre ce sentiment de compassion offert à chaque être humain.

"Je suis heureuse que vous les acceptiez; vous êtes vraiment quelqu'un de bien" Dit-elle avec la plus grande honnêteté.

Et oui, elle le pensait ! Si sa compassion avait pu lui permettre un pardon, c'est qu'il restait un semblant de bonté dans ce cœur noircit par les aléas de la vie; et elle en était soulagée. Enfin, cette histoire à présent oubliée, Deianeira songeait à rejoindre son père qui devait l'attendre avec impatience. Cela faisait combien d'année qu'elle ne l'avait plus vu ? Deux ans; cela faisait deux ans si on ne comptait pas les visites très rapides qu'il lui accordait parfois. Tout allait être bien différent à présent. Elle irait vivre au palais, en compagnie de la cour de son père qu'elle aurait du mal à intégrer. Deianeira était en effet une fille très simple se refusant à colporter des rumeurs pour le simple plaisir de ses interlocuteurs. Elle avait donc songé à ne se balader que dans les jardins lorsqu'elle aurait l'envie de sortir, et rien de plus. Sa chambre sera d'ailleurs assez spacieuse pour qu'elle n'est pas à la quitter durant quelques jours. D'ailleurs, elle avait même sa salle de bain personnelle ! Tout était parfait.

"Vous avez raison, j'étais bel et bien venue ici pour profiter de la beauté de ce paysage. Il est plaisant de voir qu'il reste de belles choses sur cette Terre malgré les deux guerres auxquelles nous avons du faire face..."

Un bien étrange comportement qu'avait la demoiselle. Elle qui était venu pour la sermonner, voila qu'elle commençait la conversation avec elle. Heureuse de s'être trouvé une personne à qui parler, Deianeira lui répondit avec la voix chaleureuse qu'elle avait l'habitude d'utiliser.

"Oui, Dieu merci... Mais cependant, je ne pense pas, ou du moins j'espère, qu'il n'y aura pas une troisième guerre pour la ravager... C'est un endroit plein de souvenir, heureux ou malheureux."